Proédure d’urgence – Argumentation en défense opérante

Conseil d’Etat 26 mars 2008- SCI INCA

Annulation de l’ordonnance du 24 septembre 2007 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Pau a suspendu, à la demande de la SARL « Mora et Fils » et de l’association « En Toute Franchise », l’exécution de la décision du 13 août 2007 par laquelle la CDEC des Landes a autorisé la création d’un supermarché « Intermarché » de 1 178 m² à Castets.

Pour prononcer la suspension de la décision litigieuse, le juge des référés du tribunal administratif de Pau, après avoir relevé que l’ouverture du supermarché contesté avait compromis l’exploitation de la supérette exploitée par la société « Mora » et que celle-ci  avait été conduite à licencier un salarié, en a déduit que la condition d’urgence exigée par l’article L. 521-1 du code de justice administrative devait être regardée comme remplie, sans répondre à l’argumentation en défense, non inopérante, de la SCI « INCA » relative aux conséquences qu’une suspension pourrait avoir immédiatement sur l’activité du supermarché qu’elle exploite à proximité et sur l’intérêt des consommateurs. L’ordonnance attaquée est ainsi entachée d’une erreur de droit et doit, dès lors, être annulée.

En application des dispositions de l’article L. 821-2 du code de justice administrative, il y a lieu de statuer sur la demande de suspension présentée au juge des référés.

À l’appui de sa demande tendant à la suspension de l’exécution de la décision du 13 août 2007 par laquelle la commission départementale d’équipement commercial des Landes a accordé à la SCI « INCA » l’autorisation requise en vue de l’exploitation d’un magasin de 1 178 m² à l’enseigne « Intermarché », la société « Mora et Fils » soutient que la décision de la CDEC des Landes du 13 août 2007 est intervenue au terme d’une procédure irrégulière, la séance ayant été présidée par le secrétaire général de la préfecture, qu’elle a visé à régulariser un équipement existant déjà, qu’elle méconnaît les dispositions de l’article L. 750-1 et de celles de l’article L. 752-1 du code de commerce, qu’elle est entachée d’une erreur manifeste d’appréciation et d’inexactitude matérielle des faits, l’évolution démographique étant faiblement positive et la zone de chalandise inexactement délimitée, que la fréquentation touristique a été surévaluée, qu’elle ne tient pas compte de l’équipement commercial de la commune de Linxe, que le critère de l’emploi ne peut compenser les effets négatifs sur le commerce local et que la décision est entachée de détournement de pouvoir.

Aucun de ces moyens n’apparaît, en l’état de l’instruction, propre à créer un doute sérieux quant à la légalité de cette délibération. En conséquence, la demande de suspension de la société « Mora et Fils » doit être rejetée.

Station de distribution de carburant – Licenciement d’employés

Conseil d’Etat 7 mars 2008- SCI CAMPASTIER

Sursis à exécution de l’arrêt du 9 juillet 2007 par lequel la cour administrative d’appel de Marseille a annulé le jugement du 18 mars 2004 du tribunal administratif de Montpellier rejetant la requête des sociétés « La Réunion » et « Piam » dirigée contre la décision du 10 janvier 2002 de la CDEC accordant à la SCI CAMPASTIER l’autorisation d’exploiter une station-service à Saint-Dionisy (Gard).

D’une part, le moyen tiré de ce que la cour administrative d’appel de Marseille a entaché son arrêt d’une dénaturation des pièces du dossier, en ce qu’elle a jugé que l’arrêté du 17 décembre 2001 portant délégation afin que M. de Nays Candau puisse représenter le maire de Nîmes à la commission départementale d’équipement commercial du 21 décembre 2001 n’avait pas été régulièrement publié, paraît, en l’état de l’instruction, sérieux et de nature à justifier, outre l’annulation de l’arrêt, l’infirmation de la solution retenue par la cour.

D’autre part, l’arrêt attaqué a pour effet d’imposer à la SCI CAMPASTIER la fermeture de la station de distribution de carburants ainsi que le licenciement de ses trois employés et risque donc d’entraîner des conséquences difficilement réparables.

Dans ces conditions, il y a lieu de prononcer le sursis à exécution de l’arrêt du 9 juillet 2007 de la cour administrative d’appel de Marseille.

Prélèvement supplémentaire sur le marché potentiel – Destruction d’emplois

Conseil d’Etat 7 mars 2008- SOCIÉTÉ DES HYPERMARCHÉS DE NORMANDIE-PICARDIE et autres

Annulation de la légalité d’une décision du 12 septembre 2006 par laquelle la CNEC a accordé à la SCI « SCCV du Triangle » l’autorisation de créer, à Abbeville (Somme), un ensemble commercial de 19 490 m² de surface de vente comprenant un hypermarché « Carrefour » de 7 800 m², une galerie marchande de 3 500 m², un centre auto et divers magasins spécialisés dans l’équipement de la personne, l’équipement de la maison, le sport et les loisirs.

La réalisation du nouvel ensemble commercial se traduirait, dans la zone de chalandise, par une densité commerciale, pour ce qui concerne les grandes surfaces à dominante alimentaire, supérieure de près de 55 % à la moyenne nationale et de 39 % à la moyenne départementale. Dans ces conditions, le prélèvement supplémentaire sur le marché potentiel risquerait de s’effectuer non seulement sur le chiffre d’affaires des grandes surfaces situées à proximité du site d’implantation mais aussi sur celui des commerces de centre-ville. Si la commission nationale d’équipement commercial a estimé qu’un apport touristique important était de nature à limiter ces risques, elle s’est bornée à mentionner le nombre de résidences secondaires dans la zone de chalandise ainsi que l’importance de l’activité touristique régionale en incluant la côte picarde et en s’appuyant sur les seules données produites par le pétitionnaire, fortement réévaluées par rapport à son premier dossier de présentation et contestées tant par les requérantes que par la chambre de commerce et d’industrie et les auteurs du schéma de développement commercial.

Même si le projet pourrait contribuer au développement d’une zone d’aménagement concerté située au nord de l’agglomération abbevilloise et entraîner une création nette d’emplois qui a été évaluée à environ deux cents, il aura pour effet, alors que la zone de chalandise ne connaît pas une évolution démographique favorable, que l’offre commerciale dans le secteur alimentaire est abondante et que nombre de projets autorisés n’ont pas encore été réalisés, de détruire des emplois non seulement dans les grandes surfaces concurrentes, mais également dans le commerce traditionnel de centre-ville, dont le nombre est évalué à plus de cent en ce qui concerne les seuls salariés. Ce projet n’apparaît pas de nature à favoriser le développement de la concurrence, dès lors qu’il renforcera l’emprise du groupe « Carrefour », déjà en situation prééminente dans cette zone géographique. Le trafic engendré par le centre commercial et les moyennes surfaces spécialisées comporte, compte tenu des accès prévus, des risques de saturation entraînant des difficultés de circulation sur la voirie départementale et des nuisances sur l’environnement.

Annulation d’une décision et dépôt d’une nouvelle demande

Conseil d’Etat 7 mars 2008- SA REVI INTERMARCHÉ

Confirmation de la légalité d’une décision du 12 septembre 2006 par laquelle la CNEC a accordé à la SAS « L’Immobilière Groupe Casino » l’autorisation de créer un hypermarché de 2 500 m² de surface de vente à l’enseigne « CASINO », à Latour-Bas-Elne (Pyrénées-Orientales).

L’annulation par le Conseil d’État statuant au contentieux d’une décision de la commission nationale d’équipement commercial a pour effet, sauf désistement, de ressaisir la commission nationale d’équipement commercial de la requête dont elle était saisie. En l’absence de désistement du préfet des Pyrénées-Orientales, la commission nationale d’équipement commercial se trouvait à nouveau valablement saisie de la demande d’autorisation présentée par la SAS L’Immobilière Groupe Casino, à la suite de la décision du 2 novembre 2005 du Conseil d’État annulant une première décision de la commission nationale d’équipement commercial.

S’agissant d’une autorisation accordée par la commission nationale d’équipement commercial, puis annulée par le Conseil d’État, la SA Revi Intermarché ne peut utilement invoquer les dispositions de l’article L. 752-21 du code de commerce qui interdisent, dans l’hypothèse d’un rejet par la commission nationale de la demande pour un motif de fond, le dépôt d’une nouvelle demande par le même pétitionnaire pour un même projet pendant une période d’un an à compter de la date de la décision de rejet.

Il ressort des pièces du dossier que la commune de Latour-Bas-Elne est située à moins de 15 km du rivage et n’est pas couverte par un schéma de cohérence territoriale. Toutefois, par la quatrième modification de son plan d’occupation des sols, valant plan local d’urbanisme, qui a été approuvée le 7 novembre 2001, les zones 4NA et 5NA, dans lesquelles sont situés les terrains d’assiette du projet contesté, ont été ouvertes à l’urbanisation par la création de règlements de zones, aux termes desquels l’urbanisation des secteurs 4NA et 2NAa devait être réalisée sous forme de zones d’aménagement concerté. L’ouverture à l’urbanisation de cette zone ayant été décidée antérieurement à la date du 1er juillet 2002, les dispositions de l’article L. 122-2 du code de l’urbanisme ne sont pas applicables.