L’appréciation par le juge administratif des critères de l’autorisation d’aménagement commerciale !

CAA de DOUAI

N° 15DA01287   
Inédit au recueil Lebon
1ère chambre – formation à 3
M. Quencez, président
M. Christian Bernier, rapporteur
M. Riou, rapporteur public
DOUEB, avocat

lecture du jeudi 23 février 2017

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :

Par une requête enregistrée le 30 juillet 2015 et des mémoires enregistrés les 17 décembre 2015, 28 janvier 2016 et 22 mars 2016, la commune de Rouen, la commune de Mantes-la-Jolie, la commune d’Elbeuf, la chambre de commerce et d’industrie de Rouen, la chambre de commerce et d’industrie d’Elbeuf, la chambre de commerce et d’industrie d’Eure et Loir, la chambre de commerce et d’industrie du Pays d’Auge, l’association ” Demain vivre nos villes et nos villages “, l’association ” Les vitrines du Pays d’Elbeuf ” en qualité de requérants, la commune de Tourville-la-Rivière, la commune de Barentin, la communauté de communes Caux Austreberthe, l’association des commerçants et artisans de Rouen ” Vitrines de Rouen ” et l’association ” La chambre interprofessionnelle du commerce ” en qualité d’intervenantes, représentées par Me C…A…, demandent à la cour :

1°) d’annuler pour excès de pouvoir la décision du 6 mai 2015 par laquelle la Commission nationale d’aménagement commercial a autorisé le projet d’un village de marques d’une surface de vente de 17 221 m2 à l’enseigne ” Mac Arthur Glen Designer Outlet Vernon ” sur le territoire de la commune de Douains dans l’Eure ;

2°) d’enjoindre à la Commission nationale d’aménagement commercial de réexaminer la demande présentée par la SNC MGE Normandie, la SARL Normandie Parc, la chambre de commerce et d’industrie de l’Eure et la chambre des métiers de l’Eure dans un délai de quatre mois à compter de l’arrêt à intervenir ;
3°) de mettre à la charge solidaire de l’Etat et des quatre bénéficiaires de l’autorisation la somme de 2 000 euros sur le fondement de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elles soutiennent que :
– le projet autorisé est substantiellement semblable à deux projets antérieurs refusés par la CNAC ;
– la CNAC a méconnu les dispositions de l’article R. 752-34 du code du commerce qui lui imposent de convoquer les requérants au moins 15 jours à l’avance et de les informer du délai de clôture de l’instruction ;
– cette irrégularité les a privées de la possibilité de contester utilement la légalité des compensations financières promises à la ville d’Evreux et, aux commerçants opposés au projet, d’être entendus par la commission ;
– en l’espèce, leur avocat s’est vu refuser par le président de séance la production de pièces déterminantes ;
– cette irrégularité présentant un caractère substantiel, il n’y a pas lieu de déterminer si elles ont été privées d’une garantie ;
– la procédure consultative prévue par le SCOT des Portes de l’Eure n’a pas été mise en oeuvre ;
– la zone de chalandise aurait dû correspondre à un trajet voiture de 90 minutes et non de 60 minutes ;
– la détermination d’une zone de chalandise trop restreinte a eu pour effet de ne pas prendre en compte les villages de marques comparables de Marne la Vallée, d’Honfleur et les grands magasins parisiens et d’exclure sans justification les départements de la Seine-Saint- Denis, de l’Oise et de l’Essonne ;
– la CNAC qui, s’agissant de la compatibilité avec le SCOT, s’en est remise à l’appréciation de la direction départementale des territoires et de la mer de l’Eure, qu’elle a au demeurant inexactement interprétée, a méconnu l’étendue de sa compétence ;
– le projet, qui compromet le développement d’une offre commerciale équilibrée est incompatible avec les orientations du SCOT des Portes de l’Eure ;
– le site d’implantation excentré en zone rurale, sans lien avec les lieux de vie n’est pas intégré à la vie urbaine ;
– la consommation foncière est excessive, le nombre de clients et le besoin en places de parking ayant été sous-évalués ;
– le projet, comme les villages de marque similaires, portera atteinte aux commerces de centre-ville et va créer des friches commerciales, la création d’une maison des métiers d’art n’étant qu’un alibi ;
– il n’est pas complémentaire de l’offre existante ;
– il n’est pas possible d’apprécier les contrats de partenariat conclus avec les collectivités territoriales pour compenser les effets du projet, qui ne sont pas produits ;
– ces contrats qui comportent une clause potestative sont illégaux, les pétitionnaires pouvant se soustraire à leurs engagements ;
– l’impact sur les flux de transports sera très négatif ainsi que l’avait relevé la CNAC pour les projets antérieurs, substantiellement identiques ;
– la CNAC s’est fondée sur une étude de trafic lacunaire ;
– le projet ne s’insère pas dans un réseau de transports en commun et n’est pas accessible par des modes de transport doux ;
– la qualité environnementale du projet est faible en raison notamment d’une consommation électrique mal maitrisée, de son recours insuffisant aux énergies renouvelables, des besoins d’arrosage de la végétation et de l’imperméabilisation des sols ;
– l’architecture du projet ne s’insère pas dans le paysage ;
– la circulation automobile va accroitre la pollution atmosphérique ;
– le projet, d’accès malaisé pour les consommateurs, portera atteinte à la vie commerciale et ne présente aucun caractère novateur ;
– situé à moins de 50 mètres de la route, il méconnait le POS de Douains et met en danger la sécurité des consommateurs ;
– les centres de marque ne procurent aucun avantage pour le consommateur ;
– les conséquences sociales sont très négatives, car des emplois bas de gamme seront substitués à des emplois qualifiés.

Par un acte enregistré le 30 novembre 2015, la commune de Mantes-la-Jolie déclare se désister de sa requête.
Par des mémoires enregistrés les 21 octobre 2015, 11 février 2016, et 18 avril 2016, ce dernier non communiqué, la société MGE Normandie, la société Normandie Parc, la chambre de commerce et d’industrie de l’Eure et la chambre des métiers et de l’artisanat de l’Eure représentés par la SCP B…- De La Nouvelle-Hannotin, concluent au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge des requérantes la somme de 6 000 euros sur le fondement de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elles soutiennent que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
La clôture de l’instruction a été prononcée le 18 mai 2016.
Les parties ont été informées, en application des dispositions de l’article R. 611-7 du code de justice administrative, que la décision de la cour était susceptible d’être fondée sur le moyen soulevé d’office tiré de l’irrecevabilité des interventions de la commune de Tourville-la-Rivière, la commune de Barentin, la communauté de communes Caux Austreberthe, l’association des commerçants et artisans de Rouen ” Vitrines de Rouen ” et l’association ” La chambre interprofessionnelle du commerce “.
Par un mémoire enregistré le 27 décembre 2016, la commune de Tourville-la-Rivière, la commune de Barentin, la communauté de communes Caux Austreberthe, l’association des commerçants et artisans de Rouen ” Vitrines de Rouen ” et l’association ” La chambre interprofessionnelle du commerce ” interviennent à l’appui de la requête de la commune de Rouen et autres en présentant un mémoire distinct qui soulève les mêmes moyens que les requérantes.
Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
– la loi n° 73-1193 du 27 décembre 1973 d’orientation du commerce et de l’artisanat ;
– le code de commerce ;
– le code de l’urbanisme ;
– le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience ;

Ont été entendus au cours de l’audience publique :
– le rapport de M. Christian Bernier, président-assesseur,
– les conclusions de M. Jean-Michel Riou, rapporteur public ;
– et les observations de Me C…A…, représentant la commune de Rouen et autres, et de Me D…B…, représentant la SNC MGE Normandie et autres.
Une note en délibéré présentée par la SCP B…-de la Nouvelle-Hannotin pour la société MGE Normandie et autres a été enregistrée le 2 février 2017.
Une note en délibéré présentée par Me A…pour la commune de Rouen et autres a été enregistrée le 3 février 2017.

1. Considérant que la SNC MGE Normandie a déposé le 12 mai 2011 une demande d’autorisation commerciale pour la création d’un village de marques à l’enseigne ” Mac Arthur Glen Designer Outlet ” sur le territoire de la commune de Douains dans le département de l’Eure ; que cette première demande qui portait sur la création d’un ensemble commercial d’une surface de vente totale de 19 000 m2 comportant sept moyennes surfaces spécialisées dans l’équipement de la personne totalisant 3 592 m2 de surface de vente et environ cent vingt boutiques spécialisées dans l’équipement de la personne et de la maison totalisant 15 408 m2 a été rejetée le 10 novembre 2011 par la Commission nationale d’aménagement commercial aux motifs que le projet, excentré et éloigné des centres de vie, ne participerait pas au développement harmonieux du territoire et à l’aménagement de la vie locale, qu’il serait susceptible d’entrainer une saturation du trafic routier sur l’autoroute de Normandie, que le site n’était pas desservi par les transports en commun et les modes de déplacement doux, que l’insertion paysagère était insuffisante et que l’impact environnemental était important en matière de consommation de foncier et de déplacements motorisés, et qu’il ne présentait pas d’avantages suffisants au regard des autres critères posés par l’article L. 752-6 du code de commerce ; qu’une seconde demande, déposée en 2012, qui portait sur un projet remanié d’une surface de vente de 14 982 m2 comportant huit moyennes surfaces spécialisées dans l’équipement de la personne totalisant 3 158 m2 de surface de vente et environ cent boutiques totalisant 11 824 m2 a été rejetée le 14 novembre 2012 par la Commission nationale d’aménagement commercial par des motifs substantiellement similaires ;
2. Considérant que la société MGE Normandie s’est associée à la société Normandie Parc, à la chambre de commerce et d’industrie de l’Eure et à la chambre des métiers et de l’artisanat de l’Eure pour déposer une troisième demande le 27 octobre 2014 ; que cette demande porte d’une part sur la création d’un village de marques d’une surface de vente totale de 15 961 m2 comportant sept moyennes surfaces spécialisées dans l’équipement de la personne totalisant 3 994 m2 de surface de vente et quatre-vingt-dix boutiques spécialisées dans l’équipement de la personne et de la maison totalisant 11 967 m2, d’autre part sur la création d’une ” Maison des métiers d’art ” d’une surface de vente totale de 1 260 m2 composée de deux moyennes surfaces spécialisées dans l’équipement de la personne et du foyer de 630 m2 chacune ; que par une décision du 12 décembre 2014, la commission départementale d’aménagement commercial de l’Eure a donné son accord à ce projet ; que, saisie de plusieurs recours, la Commission nationale d’aménagement commercial, par une décision du 6 mai 2015, a autorisé ce troisième projet en relevant en sa faveur le soutien apporté par les organismes consulaires de l’Eure à la Maison des métiers d’art, la situation du projet au sein de la zone d’aménagement concerté Normandie Parc, et les améliorations apportées en matière de desserte routière, de qualité environnementale et d’insertion dans le site ; que la commune de Rouen et autres contestent cette décision ;
Sur le désistement de la commune de Mantes-la-Jolie :
3. Considérant que par un acte enregistré le 30 novembre 2015, la commune de Mantes-la-Jolie s’est désistée de sa requête ; que ce désistement est pur et simple ; que rien ne s’oppose à ce qu’il lui en soit donné acte ;
Sur la recevabilité de la requête :
4. Considérant que l’association ” Demain vivre nos villes et nos villages “, aux termes des articles 1er et 2 de ses statuts, a pour objet de défendre les intérêts collectifs des commerçants détaillants non alimentaires dans les départements de l’Eure et Loir, de l’Eure, de la Seine-Maritime, des Yvelines et du Calvados ; que son président a qualité pour décider de toute action en justice au nom de l’association ; qu’aux termes du point 7 de l’article 1er de ses statuts, l’association ” Les vitrines du Pays d’Elbeuf ” ouverte aux commerçants de la commune d’Elbeuf et de son agglomération, a notamment pour objet de défendre l’indépendance et l’équilibre du commerce traditionnel ; que le bureau de l’association, par délibération du 21 mai 2015, a autorisé ses co-présidentes à introduire la présente requête ; que ces associations représentent des commerçants dont l’activité, située dans la zone de chalandise, est susceptible d’être affectée par le projet ; que le commerce d’habillement et d’équipement de la personne de Rouen et d’Elbeuf, l’une et l’autre situées dans la zone de chalandise, étant également susceptible d’être affecté par un projet qui vise à attirer au village de marques de Douains la clientèle urbaine de Haute-Normandie, ces deux communes justifient d’un intérêt suffisant pour demander l’annulation de la décision attaquée ; qu’il en va de même des chambres de commerce et d’industrie de Rouen, d’Elbeuf et d’Eure et Loire, qui ont notamment pour mission d’assurer la représentation des intérêts des commerces de leur ressort, situés également dans la zone de chalandise ;

Sur la recevabilité des interventions :
5. Considérant qu’aux termes de l’article R. 632-1 du code de justice administrative : ” L’intervention est formée par un mémoire distinct” ;
6. Considérant que les interventions de la commune de Tourville-la-Rivière, de la commune de Barentin, de la communauté de communes Caux-Austreberthe, de l’association des commerçants et artisans de Rouen ” Vitrines de Rouen ” et de l’association ” La chambre interprofessionnelle du commerce ” ont été présentées non par mémoire distinct mais dans la requête de la commune de Rouen et autres ; que le mémoire de régularisation, enregistré le 27 décembre 2016 qui répond au moyen d’ordre public communiqué le 21 décembre 2016, a été reçu alors que l’instruction était close depuis le 18 mai 2016 ; que dès lors ces interventions ne sont pas recevables ;
Sur la légalité de la décision du 6 mai 2015 :
En ce qui concerne le moyen tiré de l’irrégularité de la convocation à la séance de la Commission :
7. Considérant qu’aux termes du deuxième alinéa de l’article R. 752-34 du code de commerce dont les dispositions sont entrées en vigueur le 15 février 2015 : ” Quinze jours au moins avant la réunion de la commission nationale, les parties sont convoquées à la réunion et informées que la commission nationale ne tiendra pas compte des pièces qui seraient produites moins de dix jours avant la réunion, à l’exception des pièces émanant des autorités publiques ” ; qu’aux termes des deux premiers alinéas de l’article R. 752-36 du même code : ” La commission nationale peut recevoir des contributions écrites. / La commission nationale entend toute personne qui en fait la demande écrite au secrétariat, en justifiant les motifs de son audition, au moins cinq jours avant la réunion ” ;
8. Considérant qu’il est constant que la commune de Rouen, l’association ” Demain vivre nos villes et nos villages “, l’association ” Les vitrines du Pays d’Elbeuf “, et les chambres de commerce et d’industrie de Rouen, d’Elbeuf, d’Eure et Loir, et du Pays d’Auge ont été convoquées à la séance de la Commission nationale d’aménagement commercial du 6 mai 2015 par une lettre recommandée en date du 27 avril 2015 présentée le 28 avril aux organismes consulaires et le 30 avril au conseil des trois premiers requérants, soit respectivement sept et cinq jours francs avant la réunion ; que cette convocation ne mentionnait pas en outre que la Commission ne tiendrait pas compte des pièces qui seraient produites moins de dix jours avant la réunion ; que, par suite, les requérants sont fondés à soutenir que les dispositions de l’article R. 752-34 du code de commerce ont été méconnues ;
9. Considérant toutefois que si les actes administratifs doivent être pris selon les formes et conformément aux procédures prévues par les lois et règlements, un vice affectant le déroulement d’une procédure administrative préalable, suivie à titre obligatoire ou facultatif, n’est de nature à entacher d’illégalité la décision prise que s’il ressort des pièces du dossier qu’il a été susceptible d’exercer, en l’espèce, une influence sur le sens de la décision prise ou qu’il a privé les intéressés d’une garantie ;
10. Considérant que la Commission nationale d’aménagement commercial, qui se prononce sur les recours formés contre les décisions des commissions départementales d’aménagement commercial, si elle n’est pas une juridiction, exerce un pouvoir de décision ; que la faculté offerte aux parties de déposer des pièces et contributions écrites pendant la durée de l’instruction jusqu’à dix jours avant la tenue de la réunion, et celle de faire entendre toute personne désireuse d’apporter son témoignage, à la condition qu’elle en fasse la demande au moins cinq jours avant la réunion, constitue une garantie offerte aux parties ; que dans les circonstances de l’espèce, alors qu’aucune urgence n’est alléguée et qu’il n’est pas soutenu que les parties auraient été précédemment informées de la date de la réunion de la Commission en sorte qu’elles puissent s’y préparer, les conditions irrégulières de la convocation ont ôté aux auteurs du recours toute possibilité de présenter des pièces et des contributions écrites supplémentaires, et privé de portée utile celle de demander l’audition de personnes extérieures ; que ces vices, qui ont privé les auteurs du recours d’une garantie, entachent la régularité de la procédure à l’issue de laquelle la décision a été prise ;
En ce qui concerne l’appréciation de la Commission nationale d’aménagement commercial :

11. Considérant qu’aux termes du troisième alinéa de l’article 1er de la loi du 27 décembre 1973 susvisée : ” Les pouvoirs publics veillent à ce que l’essor du commerce et de l’artisanat permette l’expansion de toutes les formes d’entreprises, indépendantes, groupées ou intégrées, en évitant qu’une croissance désordonnée des formes nouvelles de distribution ne provoque l’écrasement de la petite entreprise et le gaspillage des équipements commerciaux et ne soit préjudiciable à l’emploi ” ; qu’aux termes de l’article L. 750-1 du code de commerce, dans sa rédaction issue de la loi du 4 août 2008 de modernisation de l’économie : ” Les implantations, extensions, transferts d’activités existantes et changements de secteur d’activité d’entreprises commerciales et artisanales doivent répondre aux exigences d’aménagement du territoire, de la protection de l’environnement et de la qualité de l’urbanisme. Ils doivent en particulier contribuer au maintien des activités dans les zones rurales et de montagne ainsi qu’au rééquilibrage des agglomérations par le développement des activités en centre-ville et dans les zones de dynamisation urbaine. / Dans le cadre d’une concurrence loyale, ils doivent également contribuer à la modernisation des équipements commerciaux, à leur adaptation à l’évolution des modes de consommation et des techniques de commercialisation, au confort d’achat du consommateur et à l’amélioration des conditions de travail des salariés ” ;

12. Considérant qu’il appartient aux commissions d’aménagement commercial, lorsqu’elles se prononcent sur un projet d’exploitation commerciale soumis à autorisation en application de l’article L. 752-1 du code de commerce, d’apprécier la conformité de ce projet aux objectifs prévus à l’article 1er de la loi du 27 décembre 1973 et à l’article L. 750-1 du code de commerce, au vu des critères d’évaluation mentionnés à l’article L. 752-6 du même code ;
13. Considérant d’une part qu’aux termes du 1° du I de l’article L. 752-6 du code de commerce dans sa rédaction applicable, les commissions d’aménagement commercial, en matière d’aménagement du territoire, prennent en considération : ” a) La localisation du projet et son intégration urbaine ; b) La consommation économe de l’espace, notamment en termes de stationnement ; / c) L’effet sur l’animation de la vie urbaine, rurale et dans les zones de montagne et du littoral / d) L’effet du projet sur les flux de transports et son accessibilité par les transports collectifs et les modes de déplacement les plus économes en émission de dioxyde de carbone ” ;
14. Considérant d’autre part qu’aux termes du 3° du I de l’article L. 752-6 du code de commerce dans sa rédaction applicable, les commissions d’aménagement commercial, en matière de protection du consommateur, prennent en considération : ” a) L’accessibilité, en termes, notamment, de proximité de l’offre par rapport aux lieux de vie ; / b) La contribution du projet à la revitalisation du tissu commercial, notamment par la modernisation des équipements commerciaux existants et la préservation des centres urbains ; / c) La variété de l’offre proposée par le projet, notamment par le développement de concepts novateurs et la valorisation de filières de production locales (…) ” ;
15. Considérant enfin qu’aux termes du II de l’article L. 752-6 du code de commerce : ” A titre accessoire, la commission peut prendre en considération la contribution du projet en matière sociale ” ;
S’agissant de la localisation du projet :
16. Considérant que le projet de villages de marques de Douains comportera sept moyennes surfaces et quatre-vingt-dix boutiques spécialisées dans l’équipement de la personne et du foyer, et en particulier les produits d’habillement ; que la zone de chalandise approximativement déterminée par un temps de trajet d’une heure en voiture englobe une population d’environ cinq millions d’habitants et qu’une fréquentation annuelle de 2,5 millions de visiteurs chaque année est attendue ; que ce projet, situé en bordure de l’autoroute de Normandie dans un environnement rural, peu densément peuplé, qui ne comporte que de petites villes, est surtout destiné à attirer une clientèle urbaine qui réside dans la Basse Seine et notamment l’agglomération rouennaise distante d’une soixantaine de kilomètres, dans les autres grandes villes de Haute Normandie, et dans l’ouest de la région parisienne à une distance comprise entre trente et soixante-dix kilomètres ; qu’il est donc sensiblement éloigné des lieux de vie où réside l’essentiel de sa clientèle potentielle qui s’y rendra en automobile en empruntant l’autoroute ; qu’en raison de la localisation choisie, il n’est pas intégré à la vie urbaine ; qu’au demeurant, la Commission nationale d’aménagement commercial, dans ses deux décisions précédentes, avait relevé ” le caractère excentré, éloigné des centres de vie et d’activité existants, de cet ensemble commercial situé sur des parcelles vierges de toute construction en bordure d’un axe autoroutier, qui générera une augmentation significative des flux de circulation sur cet axe ” ; que, dès lors, et quand bien même le projet serait implanté dans une zone d’aménagement concertée, il ne satisfait pas, en raison de sa localisation, aux objectifs d’aménagement du territoire appréciés au travers des critères du a) et du d) du 1° du I de l’article L. 752-6 du code de commerce et de protection du consommateur appréciés au travers du critère du a) du 3° du I du même article ;
S’agissant de l’effet du projet sur l’animation de la vie urbaine et rurale et sa contribution à la revitalisation du tissu commercial :
17. Considérant qu’il n’est pas établi que les boutiques du village de marques de Douains seraient exclusivement positionnées sur un segment d’habillement de grand luxe pour lequel les enseignes seraient inexistantes ou insuffisantes dans les centres urbains de la zone de chalandise ; que le grand nombre d’enseignes représentées dans ce village de marques implique au contraire que la majorité d’entre elles seront positionnées sur un segment haut et moyenne gamme qui est celui des magasins traditionnels des centres villes de la zone de chalandise, et notamment ceux des villes normandes et de l’ouest de la région Ile de France ; qu’il ressort des pièces du dossier que les commerces de centre-ville des communes moyennes de la Haute Normandie, et en particulier ceux de Vernon, d’Evreux, et même ceux de grandes villes comme Rouen, bénéficient d’aides du Fonds d’intervention pour les services, l’artisanat et le commerce (FISAC) qui a pour vocation de répondre aux menaces pesant sur l’existence des entreprises commerciales, artisanales et de services de proximité dans des zones rurales ou des zones urbaines fragilisées par l’évolution démographique ou par une situation économique particulièrement difficile ; que la circonstance que les promoteurs du projet aient conclu une convention de partenariat avec la communauté d’agglomération du Grand Evreux et la communauté d’agglomération des Portes de l’Eure destinée à pallier les effets négatifs du projet sur le commerce local atteste en elle-même de la réalité des risques que fait peser le projet sur la survie des boutiques d’équipement de la personne du département de l’Eure ; que les mesures prévues par cette convention, temporaires par leurs effets, ne contribueront pas à atténuer l’impact de l’ouverture du village de marques sur les villes situées hors du département de l’Eure qui n’ont pas vocation à en bénéficier, et notamment celles de l’agglomération rouennaise et de la périphérie ouest de l’agglomération parisienne dont la population est cependant la plus directement visée par le projet ; que dans la mesure où il subsiste dans la zone de chalandise et plus particulièrement dans les villes de Normandie un commerce d’équipement à la personne diversifié dont la survie économique est précaire et que plusieurs villages de marques, dont ceux d’Aubergenville et de Clayes-sous-Bois, sont établis dans l’ouest parisien, la contribution éventuelle du projet à la concurrence et à la satisfaction des besoins des consommateurs n’est pas établie ; qu’au demeurant, ainsi qu’il a été rappelé au point 1 du présent arrêt, la Commission nationale d’aménagement commercial avait relevé à deux reprises dans ses décisions du 10 novembre 2011 et du 14 novembre 2012, que les projets qui lui étaient alors soumis et qui n’étaient pas à cet égard sensiblement différents que celui qu’elle a en définitive autorisé ” auraient des conséquences négatives sur le développement des commerces de centre-ville des communes situées au sein de la zone de chalandise et qu’ils ne participeraient pas ainsi à un aménagement harmonieux du territoire et à l’animation de la vie locale ” ;
18. Considérant que la contribution du projet au développement touristique de la région est hypothétique, les visiteurs du musée Claude Monnet à Giverny et des autres sites de la région comme le Château-Gaillard et la clientèle visée par ce projet de centre d’équipement à la personne ne partageant pas nécessairement les mêmes centres d’intérêt ; que la présence d’une Maison des métiers d’art, dont l’intégration fonctionnelle à l’ensemble commercial n’apparait pas clairement, susceptible d’attirer une quinzaine d’artisans, ne présente pas le caractère d’un ” concept novateur de valorisation des filières de production locale ” au sens du c) du 3°) du I de l’article L. 752-6 du code de commerce alors qu’il existe déjà trois villages d’artisans au Neubourg, à Charleval et à Etrepagny ; que rien ne vient établir l’existence d’un intérêt particulier de la clientèle visée par le village de marques pour les produits, au demeurant mal identifiés, de l’artisanat local, ni au final d’une réelle complémentarité entre le village de marques et la Maison des métiers d’art ; qu’en tout état de cause, la création d’une Maison des métiers d’art sur ce site est insusceptible de pallier, fût-ce très partiellement, les effets négatifs du projet sur le la préservation des centres urbains et l’animation de la vie urbaine dans la zone de chalandise ;
19. Considérant que si la réalisation du projet est de nature à créer environ 600 emplois dans son environnement immédiat qui bénéficiera globalement d’effets positifs en termes d’animation de la vie rurale, et si les effets négatifs sur le commerce d’habillement de Pacy-sur-Eure, de Vernon et d’Evreux pourront être atténués, dans une mesure au demeurant difficile à déterminer, par les mesures d’accompagnement convenues entre les promoteurs du projet et les chambres consulaires de l’Eure et, de manière plus hypothétique, par la fréquentation de ces villes par les visiteurs du village de marques, les pièces du dossier ne permettent pas d’apprécier la contribution du projet en matière sociale dans la zone de chalandise prise dans son ensemble ; qu’en tout état de cause, une telle contribution, aux termes du II de l’article L. 752-6 du code de commerce, ne saurait présenter qu’un caractère accessoire dans l’appréciation de la commission ;
20. Considérant qu’il résulte de ce qui précède que l’autorisation accordée au projet de village de marques de Douains ne satisfait pas aux critères posés par le c) du 1° du I de l’article L. 752-6 du code de commerce relatif aux effets sur l’animation de la vie urbaine et par le b) du 3° du I du même article relatif à la contribution du projet à la revitalisation du tissu commercial, notamment par la modernisation des équipements commerciaux existants et la préservation des centres urbains ; qu’elle est donc de nature à compromettre, dans la zone de chalandise, l’équilibre recherché par le législateur entre les diverses formes de commerce et les objectifs assignés en matière d’aménagement du territoire et de protection du consommateur ;
S’agissant de l’effet du projet sur les transports :
21. Considérant qu’il ressort des pièces du dossier qu’une fréquentation prévisionnelle d’environ 2,5 millions de visiteurs par an est escomptée ; que 2 200 véhicules devraient se rendre au village de marques le vendredi et 4 000 le samedi et les douze dimanches d’ouverture ; qu’entre 590 et 730 véhicules sont attendus par heure de pointe les vendredi et samedi et qu’il n’est pas contesté que les visiteurs resteront plusieurs heures ; que le parc de stationnement, partiellement enterré pour réduire l’emprise au sol, est destiné à accueillir au maximum 1 200 véhicules ; que cependant seules 36 places sont prévues au bénéfice des quelque 600 employés du village qui se rendront dans leur grande majorité sur leur lieu de travail en empruntant leur véhicule personnel, le recours au covoiturage, aux transports en commun et à la bicyclette ne constituant pas une alternative crédible ; que, dans ces conditions, la capacité de ce parc de stationnement qui semble avoir été calculée au plus juste si on la compare à celle des parcs de villages de marques d’ampleur équivalente n’est pas suffisante pour accueillir à la fois les employés et les visiteurs aux heures de pointe des fins de semaine ; que ce sous-dimensionnement est de nature à créer des difficultés de stationnement ; que ces difficultés, quels que soient les aménagements décidés pour améliorer la desserte, sont susceptibles de provoquer des encombrements à l’approche du village de marques et à ralentir la circulation à la sortie de l’autoroute de Normandie ; qu’en raison de l’effet négatif sur les flux de transports résultant de ce sous-dimensionnement du parc de stationnement, le projet apprécié au travers du critère posé par le d) du 1° du I de l’article L. 752-6 du code de commerce, ne satisfait donc pas à l’objectif fixé par le législateur en matière d’aménagement du territoire ;
22. Considérant qu’il résulte de ce qui précède que les requérants sont fondés à soutenir que la Commission national d’aménagement commercial a entaché son appréciation d’erreur ; que sa décision du 6 mai 2015 doit en conséquence être annulée ;
Sur les conclusions en matière d’injonction :
23. Considérant que le présent arrêt n’appelle pas de mesure d’exécution ; que les conclusions aux fins d’injonction doivent être rejetées ;
Sur les conclusions présentées sur le fondement de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :
24. Considérant qu’il y a lieu dans les circonstances de l’espèce de mettre à la charge conjointe et solidaire de l’Etat et de société MGE Normandie, de la société Normandie Parc, de la chambre de commerce et d’industrie de l’Eure et de la chambre des métiers et de l’artisanat de l’Eure la somme globale de 1 500 euros à verser aux requérants sur le fondement de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ; que ces dispositions font obstacle aux conclusions de la société MGE Normandie, de la société Normandie Parc, de la chambre de commerce et d’industrie de l’Eure et de la chambre des métiers et de l’artisanat de l’Eure tendant à ce que soit mise à la charge de la commune de Rouen et des autres requérants, qui ne sont pas la partie perdante, la somme qu’elles lui réclament à ce même titre ;
DECIDE :

Article 1er : Il est donné acte à la commune de Mantes-la-Jolie du désistement de sa requête.
Article 2 : Les interventions de la commune de Tourville-la-Rivière, de la commune de Barentin, de la communauté de communes Caux-Austreberthe, de l’association des commerçants et artisans de Rouen ” Vitrines de Rouen ” et de l’association ” La chambre interprofessionnelle du commerce ” ne sont pas admises.
Article 3 : La décision de la Commission nationale d’aménagement commerciale du 6 mai 2015 est annulée.
Article 4 : Les conclusions aux fins d’injonction présentées par la commune de Rouen et autres sont rejetées.
Article 5 : L’Etat, la société MGE Normandie, la société Normandie Parc, la chambre de commerce et d’industrie de l’Eure et la chambre des métiers et de l’artisanat de l’Eure verseront solidairement la somme globale de 1 500 euros à la commune de Rouen, la commune d’Elbeuf, la chambre de commerce et d’industrie de Rouen, la chambre de commerce et d’industrie d’Elbeuf, la chambre de commerce et d’industrie d’Eure et Loir, la chambre de commerce et d’industrie du Pays d’Auge, l’association ” Demain vivre nos villes et nos villages “, l’association ” Les vitrines du Pays d’Elbeuf ” sur le fondement de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 6 : Les conclusions présentées par la société MGE Normandie, la société Normandie Parc, la chambre de commerce et d’industrie de l’Eure et la chambre des métiers et de l’artisanat de l’Eure sur le fondement de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 7 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Rouen, la commune de Mantes-la-Jolie, la commune d’Elbeuf, la chambre de commerce et d’industrie de Rouen, la chambre de commerce et d’industrie d’Elbeuf, la chambre de commerce et d’industrie d’Eure et Loir, la chambre de commerce et d’industrie du Pays d’Auge, l’association ” Demain vivre nos villes et nos villages “, l’association ” Les vitrines du Pays d’Elbeuf “, la commune de Tourville-la-rivière, la commune de Barentin, la communauté de communes Caux Austreberthe, l’association des commerçants et artisans de Rouen ” Vitrines de Rouen ” et l’association ” La chambre interprofessionnelle du commerce “, la société MGE Normandie, la société Normandie Parc, la chambre de commerce et d’industrie de l’Eure et la chambre des métiers et de l’artisanat de l’Eure, et au ministre de l’économie et des finances(CNAC).
Copie en sera adressée pour information au préfet de l’Eure.
Délibéré après l’audience publique du 31 janvier 2017 à laquelle siégeaient :

– M. Etienne Quencez, président de la cour ,
– M. Christian Bernier, président-assesseur,
– M. Xavier Fabre, premier conseiller.

Lu en audience publique le 23 février 2017.

Le président-rapporteur,
Signé : C. BERNIERLe président de la cour,
Signé : E. QUENCEZLe greffier,
Signé : C. SIRE
La République mande et ordonne au ministre de l’économie et des finances en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme,
Le greffier en chef,
Par délégation,
Le greffier,
Christine Sire

Critères d’obtention de l’AEC !

Les 3 critères fixés par l’article L. 752-6 du code de commerce sont précisés par la loi Pinel.

En matière d’aménagement du territoire, il conviendra de prendre en compte la localisation du projet et son intégration urbaine, la consommation économe de l’espace, notamment en termes de stationnement, l’effet du projet sur l’animation de la vie urbaine, rurale et dans les zones de montagne et du littoral et l’effet du projet sur les flux de transports ainsi que son accessibilité par les transports collectifs et les modes de déplacement les plus économes en émission de dioxyde de carbone.

En matière de développement durable, il conviendra de prendre en compte – même pour les bâtiments existants – la qualité environnementale du projet, notamment du point de vue de la performance énergétique, du recours aux énergies renouvelables, de l’emploi de matériaux ou procédés éco-responsables, de la gestion des eaux pluviales, de l’imperméabilisation des sols et de la préservation de l’environnement ainsi que de l’insertion paysagère et architecturale du projet, notamment par l’utilisation de matériaux caractéristiques des filières de production locales et enfin des nuisances de toute nature que le projet est susceptible de générer au détriment de son environnement proche.

En matière de protection des consommateurs, il conviendra de prendre en compte l’accessibilité, en termes notamment de proximité de l’offre par rapport aux lieux de vie, la contribution du projet à la revitalisation du tissu commercial, notamment par la modernisation des équipements commerciaux existants et la préservation des centres urbains, la variété de l’offre proposée par le projet, notamment par le développement de concepts novateurs et la valorisation de filières de production locales et les risques naturels, miniers et autres auxquels peut être exposé le site d’implantation du projet, ainsi que les mesures propres à assurer la sécurité des consommateurs.

Une nouveauté réside dans le fait que la commission pourra, à titre accessoire, prendre en considération la contribution du projet en matière sociale.

La desserte des équipements commerciaux et l’impact du projet

La desserte des équipements commerciaux et l’impact du projet au regard des déplacements, de la circulation routière et du stationnement sont devenus un critère important d’appréciation.

Désormais la qualité de la desserte constitue un élément d’appréciation pour l’octroi de l’autorisation commerciale et doit donc être examinée lors du passage en CDAC.

La satisfaction des besoins des consommateurs en terme de qualité de service figurait déjà parmi les objectifs généraux de l’équipement commercial. Elle concerne en particulier les personnes ne disposant pas de moyens de transports individuels ou collectifs.

Le service instructeur se montre attentif à l’accessibilité à pied des commerces à vocation de proximité (commerces à dominante alimentaire).

Parmi les exigences de l’aménagement du territoire, telles qu’elles sont explicitées par le Code de l’Urbanisme relatif aux principes généraux de l’aménagement du territoire, figure déjà également l’obligation pour chaque collectivité de «rationaliser la demande de déplacements ».

Ce dernier point revêt une importance particulière lorsque, en raison de ses caractéristiques propres, l’équipement projeté est susceptible de développer une très large zone de chalandise (cas, par exemple, des ensembles de magasins d’usines ou de marques qui sont connues pour rayonner à plus de 150 ou 200 km).

Rappelons également que les règles du PLU doivent être respectées en matière de desserte, et que les aspects de sécurité des usagers peuvent être un motif de refus du Permis de construire, ou de prescriptions particulières.

Désormais la DDE doit porter un avis sur les éléments suivants qui, depuis la loi SRU, figurent parmi les données présentées par le demandeur que les CDAC (et la CNAC) doivent prendre en compte, à savoir :

  • « l’impact global du projet sur les flux de voitures particulières et de véhicules à livraison »,
  • la « qualité de desserte en transports publics ou avec des modes alternatifs ».
  • les capacités d’accueil pour le chargement et le déchargement des marchandises.

Cet avis doit comporter une vérification de l’analyse du demandeur.

Il devrait exploiter, le cas échéant, les prescriptions pertinentes du Plan de déplacement urbain (PDU) qui est obligatoire pour les agglomérations de plus de 100 000 habitants, ainsi que le cas échéant celles du PLU.

L’impact sur les flux de circulation doit désormais être examiné à deux échelles différentes ; celles de la desserte immédiate et celles des conditions générales de circulation.

Les DDE doivent s’assurer que les cartes présentées comprennent bien les voiries mises en service, en travaux ou projetés à moyen terme et, dans la négative, fournir un plan complémentaire à jour montrant ces nouvelles liaisons routières.

La desserte immédiate

Celle-ci doit répondre aux objectifs de commodité et de sécurité de la circulation des voitures particulières et de la sécurité des piétons.

Ce point a toujours été soigneusement examiné par les DDE dans la mesure où il conditionne l’octroi du permis de construire et où elles étaient responsables de l’exploitation de la voirie nationale et, pour le compte du département, de la voirie départementale.

Désormais, cette qualité de la desserte routière constitue également un élément d’appréciation pour l’octroi de l’autorisation commerciale et doit donc être examinée lors du passage en CDAC.

En outre il y a lieu de s’assurer que l’accès des véhicules de livraison n’est pas de nature à causer des gênes excessives aux riverains.

La DDE devra donc, le cas échéant, après avoir pris l’attache du gestionnaire de la voirie lorsqu’il est autre que la DDE (ce qui sera désormais le cas pour la voirie départementale), indiquer si, en l’état d’avancement du projet, une réponse satisfaisante est donnée (au plan de la sécurité, de la commodité et de la fluidité de la circulation).
Dans la négative l’avis devra préciser les aménagements nécessaires à mettre en oeuvre à cet effet et leur état d’avancement.

Les conditions générales de circulation

L’impact global du projet sur les flux de voitures particulières doit aussi être examiné à une échelle plus vaste ; celle de l’impact sur les conditions générales de circulation routière sur les grands axes de circulation (en terme de capacité et de sécurité).

Une attention particulière doit être également portée aux flux supplémentaires de déplacements automobiles et de poids lourds susceptibles d’être induits par le projet.

L’avis concernant l’impact sur les conditions de circulation devrait reposer autant que possible sur des indications chiffrées significatives.

La desserte en transports collectifs

Le Code du commerce prévoit également que la Commission doit prendre en compte la qualité de desserte en transport public ou avec des modes alternatifs.

La DDE doit donc apporter sur ce point les éléments qu’elle jugera utile.

Devront également être signalés les cas où un document d’urbanisme opposable subordonnerait l’ouverture à l’urbanisation de nouvelles zones à l’existence même d’une desserte en transports collectifs en application de du code de l’urbanisme.

La desserte avec des modes alternatifs

Sont concernés par cette formulation, les modes de transport alternatifs à la voiture particulière, les déplacements à pied, à vélos, avec fauteuils roulants, voitures d’enfants…

La satisfaction des besoins des consommateurs en terme de qualité de service figurait déjà parmi les objectifs généraux de l’équipement commercial. Elle concerne en particulier les personnes ne disposant pas de moyens de transports individuels ou collectifs, ainsi que l’accès direct aux commerces.

Le service instructeur devait donc déjà se montrer attentif à l’accessibilité à pied des commerces à vocation de proximité, notamment ceux à dominante alimentaire. Il doit désormais analyser la desserte piétonne non seulement à partir des zones d’habitat proches, mais également à partir des arrêts de transports en commun. L’examen doit porter sur les conditions de sécurité et de confort de la desserte des espaces publics et des espaces privatifs ouverts au public, et les conditions d’accès des handicapés.

Le stationnement

Enfin, le stationnement doit être examiné sous deux aspects qui seront plus précisément traités lors de l’instruction du permis de construire : d’une part, le respect des règles d’urbanisme qui limitent en proportion des surfaces construites, l’emprise au sol des parkings pour lutter contre l’étalement urbain, d’autre part l’adéquation du nombre de places à la nature et à la taille de l’activité commerciale. Il est à noter, néanmoins, que l’article précité, édicté dans le but d’économiser la consommation d’espace, pose de délicats problèmes d’application, dès lors que les commerces concernés disposent d’importantes surfaces de vente à l’air libre (cas des jardineries, notamment).

Il convient de noter, par ailleurs, que dès lors qu’il existe un réseau de transports en commun adéquat, le plan de développement urbain (PDU) qui est obligatoire dans les agglomérations de plus de 100 000 h. peut, en application de l’article 28-1-2 de la loi d’orientation des transports intérieurs (LOTI), limiter le nombre d’aires de stationnement à réaliser lors de la construction de bâtiments à usage autre que d’habitation. Toutefois ces dispositions devraient essentiellement concerner les bureaux explicitement visés par la loi plutôt que les commerces.

Les critères d’équipement commercial sont dans la pratique prédominants

Les critères d’équipement commercial sont dans la pratique prédominants (densité commerciale notamment, mais aussi maintien de la concurrence, effet sur le commerce traditionnel, impact sur l’emploi au demeurant vu par le petit bout de la lorgnette).

La jurisprudence du Conseil d’Etat conforte ce point de vue en donnant la priorité à l’examen de l’impact des projets sur les équilibres commerciaux, et apparemment un rôle second à l’examen de leurs effets au regard du respect des exigences de l’aménagement du territoire, de la protection de l’environnement et de la qualité de l’urbanisme. En la matière la Haute Assemblée n’a pas encore fait sienne la théorie du bilan adoptée depuis des lustres pour la reconnaissance de l’utilité publique d’un projet d’infrastructure.

Ainsi dans l’arrêt GUIMATHO du 27 mai 2002, la Haute Assemblée a jugé que les commissions départementales d’équipement commercial devaient apprécier si un projet soumis à autorisation est de nature à compromettre, dans des zones de chalandise intéressée, l’équilibre recherchée par le législateur entre les diverses formes de commerce, et, dans l’affirmative, rechercher si cet inconvénient est compensé par les effets positifs que le projet peut présenter au regard notamment de l’emploi, de l’aménagement du territoire, de la concurrence, de la modernisation des équipements commerciaux et, plus généralement, de la satisfaction des besoins des usagers.