La nouvelle articulation des autorisations d’exploitation commerciale et permis de construire

Lorsque les travaux projetés porteront sur un projet soumis à AEC, le PC tiendra lieu d’AEC. Dans le cadre de l’instruction du PC, un avis conforme de la CDAC/CNAC) devra être obtenu. Si cet avis est défavorable le PC ne pourra être délivré. En revanche, lorsqu’un PC ne sera pas nécessaire, le régime de l’AEC actuellement en vigueur est inchangé.

Les cours administratives d’appel seront désormais compétentes pour connaître en 1er ressort du contentieux des PC valant AEC. Les moyens invocables seront appréciés au regard de l’intérêt à agir. Lorsque le recours émanera d’un concurrent, le juge ne pourra être saisi de conclusions tendant à l’annulation du permis qu’en tant qu’il tiendra lieu d’AEC. Les moyens relatifs à la régularité du permis en tant qu’il vaudra autorisation de construire seront irrecevables. Lorsque le recours émanera d’un voisin dont le bien sera directement affecté, le juge ne pourra être saisi de conclusions tendant à l’annulation du permis qu’en tant qu’il vaudra autorisation de construire. Les moyens relatifs à la régularité du permis en tant qu’il vaudra autorisation d’exploitation commerciale sont irrecevables.

Quid de la Publicité des décisions des CDAC

Conseil d’État 

N° 356922    

Mentionné dans les tables du recueil Lebon
4ème et 5ème sous-sections réunies
M. Bruno Bachini, rapporteur
M. Rémi Keller, rapporteur public
SCP NICOLAY, DE LANOUVELLE, HANNOTIN, avocats

lecture du mercredi 3 juillet 2013

REPUBLIQUE FRANCAISEAU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


Texte intégral

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 20 février et 16 mai 2012 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentés pour la communauté de communes Braconne et Charente, dont le siège est à Le Paradis, à Balzac (16430), la commune de Champniers, représentée par son maire, la société anonyme d’économie mixte locale (SAEML) Territoires Charente, dont le siège est impasse Truffière à Angoulême (16000) ; la communauté de communes Braconne et Charente et autres demandent au Conseil d’Etat :

1°) d’annuler pour excès de pouvoir la décision du 10 novembre 2011 par laquelle la Commission nationale d’aménagement commercial a refusé d’accorder à la SNC ” Les deux Plantiers ” l’autorisation préalable en vue de créer un ensemble commercial dénommé “Parc d’activités commerciales des montagnes Ouest” d’une surface totale de vente de 17 780 m², composé de neuf magasins sans enseigne définie, à Champniers (Charente) ;

2°) de mettre à la charge de l’Etat la somme de 6 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 31 mai 2013, présentée par l’association pour l’équilibre commercial et la qualité de vie du pays d’Angoumois ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 3 juin 2013, présentée par la société Distribution Casino France ;

Vu le code de commerce ;

Vu la loi n° 73-1193 du 27 décembre 1973 ;

Vu la loi n° 2008-776 du 4 août 2008 ;

Vu le décret n° 2008-1212 du 24 novembre 2008 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

– le rapport de M. Bruno Bachini, Maître des Requêtes,

– les conclusions de M. Rémi Keller, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle, Hannotin, avocat de la communauté de communes Braconne et Charente et autres ;

1. Considérant que, par une décision du 18 mai 2011, la commission départementale d’aménagement commercial de la Charente a accordé à la SNC ” Les deux Plantiers ” l’autorisation de procéder à la création d’un ensemble commercial sur le territoire de la commune de Champniers ; que les recours formés contre la décision de la commission départementale par les sociétés Distribution Casino France et FEV’S PMRC ainsi que par l’association pour l’équilibre commercial et la qualité de vie du pays d’Angoumois ont été enregistrés par la commission nationale les 13 et 15 juillet 2011 ; que, par une décision du 10 novembre 2011, la commission nationale a fait droit à ces recours et refusé d’accorder l’autorisation sollicitée par la société ” Les deux Plantiers ” ;

Sur les conclusions de la société Distribution Casino France tendant à ce qu’il soit donné acte du désistement d’office des requérantes :

2. Considérant qu’il ressort des pièces du dossier que la requête introductive d’instance présentée pour la communauté de communes Braconne et Charente, la commune de Champniers et la SAEML Territoires Charente a été enregistrée au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat le 20 février 2012 ; qu’un mémoire complémentaire a été enregistré le 16 mai 2012, soit dans le délai de trois mois qui leur était imparti ; que, dès lors, il n’y a pas lieu de donner acte d’un désistement d’office des requérantes ;

Sur la fin de non-recevoir tirée de la tardiveté de la requête :

3. Considérant que si la société Distribution Casino France, auteur du recours devant la commission nationale, soutient que la requête aurait été présentée après expiration du délai de recours contentieux en faisant valoir que la décision attaquée de la commission nationale lui a été notifiée le 8 décembre 2011, cette fin de non-recevoir ne peut qu’être écartée dès lors que les requérantes, qui avaient la qualité de tiers, n’ont pas été destinataires de cette notification ; qu’il ne ressort pas, par ailleurs, des pièces du dossier que leur requête soit tardive au regard du délai qui court à compter de l’accomplissement de la formalité de publicité prévue par l’article R. 752-25 du code de commerce, à laquelle renvoie l’article R. 752-52 du même code ;

Sur les conclusions tendant à l’annulation pour excès de pouvoir de la décision attaquée :

4. Considérant qu’aux termes du premier alinéa de l’article L. 752-17 du code de commerce : ” A l’initiative du préfet, du maire de la commune d’implantation, du président de l’établissement public de coopération intercommunale visé au b du 1° du II de l’article L. 751-2, de celui visé au e du même 1° du même article ou du président du syndicat mixte visé au même e et de toute personne ayant intérêt à agir, la décision de la commission départementale d’aménagement commercial peut, dans un délai d’un mois, faire l’objet d’un recours devant la Commission nationale d’aménagement commercial ” ; qu’aux termes de l’article R. 752-48 du même code : ” Le délai de recours d’un mois prévu à l’article L. 752-17 court : / a) pour le demandeur, à compter de la date de notification de la décision de la commission départementale d’aménagement commercial ; / b) pour le préfet et les membres de la commission, à compter de la date de la réunion de la commission ou de la date à laquelle l’autorisation est réputée accordée ; (…) / d) pour toute autre personne ayant intérêt à agir : (…) / si le recours est exercé contre une décision d’autorisation, à compter de la plus tardive des mesures de publicité prévues aux articles R. 752-25 et R. 752-26. ” ; qu’en vertu des articles R. 752-25 et R. 752-26 du même code, la décision de la commission est, d’une part, affichée pendant un mois à la porte de la mairie de la commune d’implantation du projet et, d’autre part, lorsqu’elle accorde l’autorisation demandée, publiée dans deux journaux régionaux ou locaux diffusés dans le département ;

5. Considérant qu’il résulte de ces dispositions, que, pour les personnes mentionnées au d) de l’article R 752-48 du code de commerce, le délai de recours court à compter de la plus tardive des deux dates correspondant, l’une au premier jour d’une période d’affichage en mairie d’une durée d’un mois, l’autre à la seconde des deux insertions effectuées dans la presse régionale ou locale ;

6. Considérant qu’il ressort des pièces du dossier que la décision de la commission départementale d’aménagement commercial de la Charente du 18 mai 2011 a, d’une part, été affichée à la mairie de la commune de Champniers à partir du 24 mai 2011 pour une durée d’un mois, et, d’autre part, été publiée dans deux journaux de la presse régionale par un avis en date des 31 mai et 1er juin 2011 ; que cet avis dans la presse indiquait le sens de la décision, la consistance et les caractéristiques du projet, ainsi que son lieu d’implantation ; que, tout en se référant aux dispositions en vertu desquelles le texte de la décision est affiché dans la mairie de la commune d’implantation, cette publication mentionnait par erreur, comme lieu d’affichage de la décision, la ” mairie de Mansle ” au lieu de celle de ” Champniers ” et a dû faire l’objet d’un rectificatif dans des éditions du 16 et 17 juin ; que, toutefois, une telle erreur n’était pas de nature à rendre la publication initiale, qui comportait tous les éléments d’information nécessaires sur la nature et la consistance du projet en cause, insuffisante pour déclencher le délai de recours d’un mois contre la décision de la commission départementale, qui expirait donc le 1er juillet 2011 ; que, dès lors, les recours présentés les 13 et 15 juillet 2011 par les sociétés Distribution Casino France et FEV’S PMRC et par l’association pour l’équilibre commercial et la qualité de vie du pays d’Angoumois étaient tardifs et, par suite, irrecevables ;

7. Considérant qu’il résulte de ce qui précède, et sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens de la requête, que les requérantes sont fondées à demander l’annulation de la décision attaquée ;

Sur les conclusions présentées au titre des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

8. Considérant qu’il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge de l’Etat le versement d’une somme de 3 000 euros à répartir également entre la communauté de communes Braconne et Charente, la commune de Champniers et la SAEML Territoires Charente, au titre de ces dispositions ; qu’en revanche, ces dispositions font obstacle à ce que des sommes soient mises à ce titre à la charge des requérantes qui ne sont pas, dans la présente instance, les parties perdantes ;

D E C I D E :
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Article 1er : La décision de la Commission nationale d’aménagement commercial du 10 novembre 2011 est annulée.
Article 2 : L’Etat versera une somme de 3 000 euros à répartir également entre la communauté de communes Braconne et Charente, la commune de Champniers et la SAEML Territoires Charente au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Les conclusions de l’association pour l’équilibre commercial et la qualité de vie du pays d’Angoumois et de la société Distribution Casino France présentées au titre des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à la communauté de communes Braconne et Charente, à la commune de Champniers, à la SAEML Territoires Charente, à l’association pour l’équilibre commercial et la qualité de vie du pays d’Angoumois, à la Commission nationale d’aménagement commercial, à la société FEV’S PMRC et à la société Distribution Casino France.

L’impact du projet au regard des équilibres territoriaux

La prise en compte de la notion d’équilibre territorial s’appuie le Code de Commerce qui prévoit que les implantations commerciales « doivent en particulier contribuer au maintien des activités dans les zones rurales et de montagne ainsi qu’au rééquilibrage des agglomérations par le développement des activités en centre-ville et dans les zones de dynamisation urbaine ».

En outre, l’obligation de «répondre aux exigences d’aménagement du territoire… et de la qualité de l’urbanisme » imposée par le même article renvoie aux principes généraux exprimés le Code de l’Urbanisme et à leur transcription dans les SCOT, notamment en ce qui concerne les orientations générales de l’organisation de l’espace, la desserte de proximité des zones d’habitation, l’équilibre entre espaces à urbaniser, et ceux à conserver, agricoles ou naturels, et les localisations préférentielles des commerces de proximité.

Enfin, l’objectif de « satisfaire les besoins des consommateurs » dont une part notable n’est pas motorisée invite à s’assurer du maintien de commerce de première nécessité à l’intérieur ou à proximité des zones d’habitat, notamment dans les centres-bourgs ruraux et les quartiers sensibles.

L’avis de la DDE sur le projet doit donc s’appuyer sur une analyse appropriée de l’impact du projet eu égard à sa taille, à la nature de l’activité commerciale et aux densités commerciales de la zone de chalandise sur :

  • – la vitalité des activités en centre ville,
  • – la desserte commerciale de proximité,
  • – la desserte commerciale des quartiers difficiles,
  • – le maintien des commerces dans les bourgs des zones rurales et dans ceux des zones de montagne,
  • – la consommation de l’espace et l’étalement urbain,
  • – l’équilibre géographique des pôles commerciaux des agglomérations.

L’analyse caractérisera l’échelle de l’impact territorial du projet. L’appréciation sera ajustée selon que le rayon d’influence sera jugé négligeable ou nul, limité au quartier, concernant l’agglomération toute entière affectant l’aire urbaine (y compris les communes attirées par le pôle urbain de l’agglomération), voir au delà ou en secteur rural avec ou sans un réseau de petites villes.

L’avis doit s’assurer également de la cohérence avec les actions ou opérations éventuelles menées localement par des acteurs locaux publics ou privés (ORAC, et autres opérations financées par le FISAC), pour renforcer les activités commerciales dans les centres des villes ou des bourgs ou dans certains quartiers périphériques.

Indiquer, le cas échéant, s’il s’agit d’activités ayant ou non vocation à s’implanter préférentiellement en centre ville (ex commerces culturels, équipement de la personne…).

Il s’appuiera sur l’analyse de l’armature commerciale telle qu’elle figure dans le dossier du demandeur, dans le volet commerce des SIG (quand il existe), sur les objectifs exprimés par les SCOT, et sur les indications résultant des SDC et des autres travaux des ODEC (travaux qui doivent être pris en compte par la CDAC) ainsi que sur les éventuelles chartes d’urbanisme commercial (documents manifestant une intention collective mais toutefois dépourvus de toute portée juridique).

L’analyse devrait aussi s’appuyer assez systématiquement sur une carte présentant l’implantation et illustrant le poids relatif des pôles commerciaux exprimés en m2 de surfaces de ventes (y compris le pôle constitué par les commerces et les centres urbains). On n’hésitera pas à préciser la distance des pôles commerciaux concurrents en km et en temps de parcours moyen par automobile, lorsque les informations données par le demandeur paraîtront contestables ou insuffisantes.

Autorisation commerciale et compatibilité avec le SCOT

En application du Code de l’urbanisme, les autorisations d’exploitation commerciale doivent être compatibles avec les SCOT et les schémas de secteur.

La vérification de cette compatibilité doit être effectuée par la DDE concurremment avec l’établissement public (ou syndicat mixte) compétent pour l’établissement et le suivi du SCOT, et ce préalablement à l’examen par la CDAC.

Cette compatibilité doit être appréciée d’une part par rapport aux dispositions du SCOT relatives aux commerces (objectifs relatifs à l’équipement commercial et aux localisations préférentielles des commerces), et, d’autre part, par rapport à l’ensemble des autres dispositions (orientations générales relatives à l’organisation de l’espace et aux grands équilibres entre les espaces à urbaniser et les espaces naturels et agricoles ou forestiers ; détermination des espaces et sites naturels ou urbains à protéger ; objectifs relatifs à la protection des paysages, la mise en valeur des entrées de villes, la prévention des risques, liens entre l’urbanisation et la desserte des transports collectifs ; projets d’équipements publics pris en compte dans le SCOT).

En plus de ce contrôle de compatibilité qui conditionne l’autorisation commerciale, l’examen du projet au regard du SCOT doit permettre de nourrir l’appréciation du projet au regard des critères d’aménagement du territoire, de qualité de l’urbanisme et de protection de l’environnement qui constituent un des éléments à prendre en compte pour la décision de la commission.

En effet, sans être à proprement incompatible avec le SCOT (ce qui rendrait l’autorisation d’équipement commercial impossible), un projet d’équipement peut se retrouver à l’examen assez peu en harmonie avec ses dispositions. On est alors renvoyé à une appréciation moins strictement déterminante, mais non sans portée faisant alors référence aux considérations tenant aux exigences de l’aménagement du territoire et de la qualité de l’urbanisme visées dans le Code de Commerce.