L’émergence d’un système de régulation de l’équipement commercial

Dans le courant des années soixante, le développement rapide de l’urbanisation, la croissance démographique et économique, conjuguée avec la transformation des modes de vie, ont mis en évidence les problèmes posés par la création, dans les quartiers nouveaux puis sur l’ensemble du territoire, d’équipements commerciaux adaptés aux besoins des populations. Il apparaissait également nécessaire de poursuivre la modernisation de l’appareil de distribution en vue de le porter au niveau des pays développés et d’assurer cette évolution dans les meilleures conditions politiques et sociales.

Il convenait alors prioritairement de remédier au sous-équipement commercial des ensembles d’habitations en exigeant un minimum de surfaces réservées au commerce. La circulaire interministérielle n°61-43 du 24 août 1961, première directive générale en matière d’équipement commercial, obéissait à cette priorité.

Parallèlement, la population connaissait une évolution de ses modes de consommation ainsi que d’importants changements sociologiques, tandis que les modes de distribution commerciale enregistraient de profonds bouleversements, avec le développement puis la quasi-généralisation progressive de nouvelles techniques de vente en libre-service. Ces innovations sont à la base de l’essor de la grande distribution qui a valorisé auprès des consommateurs des atouts incontestables, avec une offre très large de produits et des prix très compétitifs. Cette stratégie commerciale lui a permis de conquérir des parts de marché, tandis que le commerce de détail de petite et moyenne surface rencontrait des difficultés croissantes tant en zone urbaine qu’en zone rurale.

L’essor extrêmement rapide de la grande distribution devait ainsi conduire à une modification de la logique qui avait prévalu en 1961 : Avec la fermeture de nombreux petits commerces, il a semblé nécessaire de prévenir les risques de dévitalisation des centre-ville et de désertification des zones rurales.

Dans cette perspective, la circulaire interministérielle du 29 juillet 1969, se substituant à la directive de 1961, instituait des comités consultatifs départementaux relayés à l’échelon central par une commission consultative de coordination placée auprès du ministre de l’équipement et du logement.

Cette circulaire a précisé les premières orientations générales en matière d’urbanisme commercial, organisé la prise en compte de l’équipement commercial dans l’élaboration des documents d’urbanisme et institué des comités consultatifs départementaux, composés de professionnels et présidés par les préfets, qui étaient saisis pour avis de toutes études d’organisation commerciale effectuées pour l’établissement des schémas départementaux d’aménagement urbain et de plans d’occupation des sols, ainsi que des projets d’équipement commercial d’une surface de plancher égale ou supérieure à 10.000 m².

La mise en place d’une législation spécifique

Depuis lors, plusieurs textes législatifs, complétés par des textes réglementaires d’application, ont progressivement consolidé, puis renforcé les dispositions visant à encadrer le développement de l’équipement commercial, par la mise en place d’un régime d’autorisation préalable reposant sur l’intervention de commissions départementales et nationales :

La loi n° 69-1263 du 31 décembre 1969 portant certaines dispositions d’ordre économique et financier institue, dans son article 17, une procédure d’examen préalable à la délivrance des permis de construire pour les commerces de plus de 3.000 m². Elle crée à cet effet les comités départementaux d’urbanisme commercial (C.D.U.C.) et la commission nationale d’urbanisme commercial (C.N.U.C.), qui se substituent aux comités consultatifs départementaux prévus par la circulaire interministérielle du 29 juillet 1969.

La loi du 27 décembre 1973 d’orientation du commerce et de l’artisanat (“Loi Royer”) institue un véritable régime juridique de l’urbanisme commercial, en mettant en place une procédure d’autorisation d’ordre économique, distincte du permis de construire. Cette loi vise notamment à garantir un développement harmonieux entre les différentes formes de commerces, à éviter une croissance désordonnée des formes nouvelles de distribution et à contribuer au rééquilibrage des agglomérations par le développement des activités de centre-ville, dans le respect des principes d’aménagement du territoire et de protection de l’environnement :

Elle renforce le rôle des C.D.U.C., jusque là cantonnées dans des attributions consultatives, en leur donnant un pouvoir de décision,

Elle aménage une procédure d’appel non plus devant le ministre chargé de l’équipement, mais devant le ministre chargé du commerce, lequel statue après avis d’une commission nationale d’urbanisme commercial composée à l’image des commissions départementales, alors que la précédente commission nationale était exclusivement composée de hauts fonctionnaires.

Elle abaisse le seuil de l’autorisation à 1.000 m² de surface de vente dans les communes de moins de 40.000 habitants et à 1.500 m² dans les communes de plus de 40.000 habitants, tandis que les extensions de plus de 200 m² de surface de vente sont également soumises à autorisation préalable dès lors que les magasins atteignent ou dépassent ces seuils.

La loi n° 90-1260 du 31 décembre 1990 (“loi Doubin”) a eu pour effet d’introduire dans le régime d’autorisation préalable des dispositions spécifiques relatives aux magasins constituant un même ensemble commercial.

La loi n° 93-122 du 29 janvier 1993 (“loi Sapin”) relative à la prévention de la corruption et à la transformation de la vie économique et des procédures publiques, complétée par le décret n° 93-306 du 9 mars 1993, transforme de manière significative le régime institué en 1973. La commission nationale d’équipement commercial perd son caractère consultatif et se substitue au ministre pour connaître en appel des décisions des commissions départementales. La composition des commissions départementales est modifiée : le nombre de leurs membres est réduit de 20 à 7 et, à
l’exception du représentant des consommateurs, ils tirent leur légitimité d’une élection.

La loi n° 96-603 du 5 juillet 1996 (“loi Raffarin”), précisée par le décret n° 96-1018 du 26 novembre 1996, modifie profondément le dispositif en étendant l’exigence d’une autorisation préalable d’exploitation commerciale à un nombre accru de projets, soit par l’abaissement des seuils de surfaces pour les opérations déjà soumises à autorisation, soit par la définition de nouvelles opérations assujetties à autorisation.

Cette réforme s’articule autour de plusieurs axes :

L’introduction de l’emploi et de l’environnement parmi les principes d’examen des dossiers soumis aux commissions départementales d’équipement commercial (C.D.E.C.) et la Commission nationale d’équipement commercial (C.N.E.C.) ;

L’abaissement à 300 m² de surface de vente du seuil de création ou d’extension des surfaces commerciales,

La soumission à autorisation des changements de destination d’un commerce ;

L’obligation d’une enquête publique pour les projets de plus de 6 000 m² de surface de vente ;

La modification de la composition des C.D.E.C, désormais composées de six membres :

• Le maire de la commune d’implantation du projet (ou son représentant) ;
• Le président de l’établissement public de coopération intercommunale (E.P.C.I.) : communauté de communes ou d’agglomération, ou, en l’absence d’E.P.C.I., le conseiller général du canton d’implantation (ou son représentant) ;
• Le maire de la commune la plus peuplée autre que la commune d’implantation, soit de l’arrondissement, soit de l’agglomération multicommunale si la commune d’implantation fait partie d’une agglomération multicommunale comportant au moins cinq communes (ou son représentant) ;
• Le président de la chambre de commerce et d’industrie compétente (ou son représentant) ;
• Le président de la chambre de métiers du département (ou son représentant) ;
• Un représentant des associations de consommateurs (ou son suppléant). La composition de la commission varie en fonction de la localisation de chaque projet. Cependant le représentant des consommateurs siège pour l’ensemble du département.

L’exigence que quatre membres aient voté favorablement pour que la décision d’autorisation soit considérée comme accordée par la CDEC ;

Le renforcement des sanctions en cas d’exploitation de surfaces commerciales sans autorisation, afin de les rendre réellement dissuasives ;

La mise en place de schémas de développement commercial sur un territoire donné et à partir d’un véritable bilan, d’abord réalisée à titre expérimental, doit permettre de définir des objectifs précis d’évolution des équipements commerciaux.

La Loi n° 2000-1208 du 13 décembre 2000 (“loi S.R.U.”), relative à la solidarité et au renouvellement urbains a modifié la législation en vigueur en ajoutant trois nouveaux critères à l’examen des projets d’équipement commercial :

l’impact global du projet sur les flux de voitures particulières et de véhicules de livraison,

la qualité de la desserte en transports publics ou avec des modes alternatifs,

les capacités d’accueil pour le chargement et le déchargement des marchandises.

Enfin, à l’exception de son article 1er, les dispositions de la loi n°73-1193 du 27 décembre 1973 modifiée, sont désormais intégrées au code de commerce.

Fonctionnement des commissions

Les commissions départementales d’aménagement commercial.

(Articles L751-1 à L751-2) du code de commerce
(Articles R751-1 à R751-7) du code de commerce
Circulaire du 18 février 2009 relative à la constitution et au fonctionnement de la CDAC

La Commission nationale d’aménagement commercial

(Articles L751-1 à L751-2) du code de commerce
(Articles R751-8 à R751-11) du code de commerce

Les observatoires départementaux d’équipement commercial.

(Articles L751-1 à L751-2) du code de commerce
(Articles R751-12 à R751-15) du code de commerce
De l’observatoire d’aménagement commercial d’Ile-de-France. (Articles R751-16 à R751-17) du code de commerce

Historique

Les Commissions départementales d’équipement commercial (CDEC)
La Commission nationale d’équipement commercial (CNEC)

 

Demande d’autorisation d’exploitation commerciale

Demande d’autorisation d’exploitation commerciale

Des projets soumis à autorisation.
(Articles L752-1 à L752-5) du code de commerce
Des projets soumis à autorisation ou à avis des commissions d’aménagement commercial (Articles R752-1 à R752-4) du code de commerce

De la décision de la commission départementale.
(Articles L752-6 à L752-15) du code de commerce

De l’avis des commissions d’aménagement commercial. (Articles R752-29 à R752-44) du code de commerce

Du recours contre la décision de la commission départementale.
(Articles L752-17 à L752-26) du code de commerce

Des recours contre la décision ou l’avis de la commission départementale. (Articles R752-45 à R752-52) du code de commerce

Des sanctions. (Articles R752-53 à R752-54)

Des contrats passés à l’occasion de la réalisation d’un projet autorisé. (Article D752-55)

Historique

Circulaire du 7 mars 2005 précisant les modalités d’instruction des demandes d’autorisation d’exploitation commerciale (fichier PDF – 174 Ko)

Les progrès réalisés par la loi SRU

Adoptée le 5 juillet 1996, la loi relative au développement et à la promotion du commerce et de l’artisanat, dite loi Raffarin, renforce la loi Royer du 27 décembre 1973 en abaissant le seuil de surface de vente au-dessus duquel une autorisation d’implantation doit être demandée. Elle soumet tout projet d’implantation et d’extension d’un commerce de plus de 300 m² à une autorisation des Commissions Départementales d’Equipement Commercial (CDEC). Elle a également inclus dans son périmètre d’intervention l’hôtellerie et la restauration, pour les ouvertures d’hôtels de plus de 50 chambres dans la région parisienne et 30 chambres en province, ou les agrandissements conduisant à dépasser ces seuils.

Les CDEC sont composées de six membres (trois élus locaux et trois élus socioprofessionnels). Au cours de ces dernières années, elles ont vu leur activité augmenter régulièrement : les CDEC examinent environ 3700 dossiers par an pour environ 4,5 millions de m² de surface de vente, soit une évolution de près de 20% en 5 ans. Moins de 10% de ces demandes font l’objet d’un recours devant la Commission Nationale d’Equipement Commercial15. Au total, selon la Direction du commerce, de l’artisanat, des services et des professions libérales, toutes commissions confondues, de l’ordre de 80% des demandes sont autorisées. Les décisions des commissions sont susceptibles de recours pour excès de pouvoir devant le juge administratif.

Le poids du développement durable dans les critères pris en considération pour l’octroi des autorisations d’implantation commerciale

Le législateur a fixé des orientations fondamentales et défini des critères légaux d’appréciation des CDEC. Ces principes fondamentaux sont les suivants :

– Eviter qu’une croissance désordonnée des formes nouvelles de distribution ne
provoque l’écrasement de la petite entreprise et le gaspillage des équipements
commerciaux ;
– Affirmer la liberté d’entreprendre dans le cadre d’une concurrence claire et
loyale ;
– Satisfaire les besoins des consommateurs en ce qui concerne les prix, la qualité des
services et le confort d’achat ;
– Contribuer à la modernisation économique ;
– Répondre aux exigences de l’aménagement du territoire ;
– Participer au développement de l’emploi ;
– Préserver la qualité de la vie et du travail.

On peut considérer que ces trois dernières orientations ont un lien direct avec les principes du développement durable. Primo, les équipements commerciaux doivent répondre aux exigences de l’aménagement du territoire, « en particulier contribuer au maintien des activités dans les zones rurales et de montagne ainsi qu’au rééquilibrage des agglomérations par le développement des activités en centre-ville et dans les zones de redynamisation urbaine ».

Depuis l’entrée en vigueur de la loi Solidarité et Renouvellement Urbains (SRU) du 13 décembre 2000, les autorisations d’exploitation commerciales doivent être compatibles avec les schémas de cohérence territoriale (Art L. 122-1 du code de l’urbanisme. Les commissions doivent prendre en considération les engagements des demandeurs de création de magasins de détail à prédominance alimentaire de créer dans les zones de dynamisation urbaine ou les territoires ruraux de développement prioritaire des magasins de même type, d’une surface de vente inférieure à 300 m², pour au moins 10% des surfaces demandées

Secundo, les équipements commerciaux doivent participer au développement de l’emploi et les pouvoirs publics doivent veiller à ce que l’essor du commerce « ne soit pas préjudiciable à l’emploi ». Les commissions doivent prendre en considération dans la zone de chalandise « l’impact éventuel du projet en termes d’emplois salariés et non salariés ». Tertio, les équipements commerciaux doivent respecter les principes relatifs à la qualité de la vie et de travail. Les commissions ont comme objectif l’animation de la vie urbaine et rurale, l’amélioration de la qualité de la vie, la protection de l’environnement et de la qualité de l’urbanisme et l’amélioration des conditions de travail des salariés. Il s’agit de préoccupations qui ont avant tout une portée au stade ultérieur de l’autorisation d’urbanisme.