Examen d’un recours par la CNAC – Temps de trajet de 90 minutes

Conseil d’Etat 17/05/06- COMMUNE DE HAGUENAU et autres

Confirmation de la légalité d’une décision du 4 novembre 2004 par laquelle la CNEC a autorisé la S.A.R.L. « Port de Cannet » à créer, à Roppenheim (Bas-Rhin), un ensemble commercial « VILLAGE FREEPORT » de 23 225 m² de surface de vente.

L’intervention de la ville de Strasbourg, qui a intérêt à l’annulation de la décision attaquée, est recevable.

Le recours formé par la SARL « Freeport Roppenheim » devant la CNEC a le caractère d’un recours hiérarchique contre la décision administrative de la CDEC. Les requérants ne sont donc pas fondés à soutenir qu’un tel recours, qui n’est pas un recours formé devant une juridiction, aurait été irrecevable faute d’une motivation suffisante.

Le moyen tiré du défaut de la qualité à agir de la société « Mall et Market » qui avait été habilitée à agir au nom de la SARL « Freeport Roppenheim », doit être écarté.

Aucune disposition législative ou réglementaire n’impose à la CNEC d’entendre une association.

La CNEC n’était pas tenue de recueillir à nouveau l’avis des services instructeurs et des organismes consulaires à la suite des rectifications apportées aux limites de la zone de chalandise, dès lors que ces rectifications ont été portées à la connaissance du commissaire du gouvernement et débattues par les membres de la commission.

La CNEC n’est pas tenue de prendre explicitement parti sur le respect par le projet qui lui est soumis de chacun des objectifs et critères d’appréciation fixés par les dispositions législatives applicables. En motivant sa décision en se référant notamment aux caractéristiques du projet d’un ensemble commercial qui regrouperait des magasins dits « de marques » proposant à des prix minorés tout au long de l’année des articles de collections antérieures de marques haut de gamme, à l’existence d’une zone de chalandise étendue en France et en Allemagne et en croissance démographique, à la satisfaction des besoins des consommateurs, à l’amélioration de l’attractivité de l’appareil commercial de cette région frontalière, aux retombées économiques positives pour le développement local et l’emploi, la CNEC a, en l’espèce, satisfait à cette obligation.

Le pétitionnaire qui détient une promesse de vente concernant le terrain concerné, signée le 16 février 2001 et prolongée jusqu’au 31 décembre 2006, justifie, à la date de la décision de la CNEC, d’un titre l’habilitant à construire sur la parcelle d’implantation du projet.

À l’appui de sa demande, le pétitionnaire a d’une part, produit une étude d’impact dans laquelle il a délimité une zone de chalandise de 4,83 millions d’habitants, dont 3,37 millions résidant en territoire allemand, et, d’autre part, sur la partie située en Allemagne, a fourni des informations sur les équipements existants qui, complétées par les services instructeurs se rapprochent avec le plus de précision possible, des informations exigées par les dispositions légales. Si la zone de chalandise correspond à une durée de trajet de 90 minutes dans la partie française et à 75 minutes dans la partie allemande, cette différence est en l’espèce justifiée par les difficultés de circulation sur le pont traversant le Rhin et par l’obstacle psychologique que peut constituer le franchissement d’une frontière.

Les inexactitudes affectant certaines données ou affirmations contenues dans le dossier, notamment sur les chiffres d’affaires prévisionnels, l’impact du projet sur les commerces avoisinants et l’évolution démographique dans la zone de chalandise, à les supposer établies, n’entachent pas d’illégalité la décision de la CNEC qui disposait des renseignements complémentaires utiles fournis par les services instructeurs.

Le pétitionnaire n’est pas tenu d’évaluer l’impact de la réalisation du projet sur les commerces existants dans la partie de la zone de chalandise située hors du territoire national.

En prenant en compte, pour apprécier l’impact du projet, une zone de chalandise comportant une zone de proximité de 10 à 12 minutes et une zone secondaire correspondant à 35 minutes de trajet en voiture, la CNEC a satisfait aux prescriptions du 3° de l’article L. 720-3 du code de commerce.

Quelle que soit l’hypothèse prise en compte pour délimiter la zone de chalandise, les densités commerciales, notamment en grandes et moyennes surfaces spécialisées dans l’équipement de la personne ou dans la commercialisation des articles de sport, seraient, après réalisation du projet, supérieures aux moyennes nationale et départementale.

Toutefois, le dynamisme démographique de la zone de chalandise est susceptible d’atténuer les conséquences négatives du projet sur l’équilibre existant antérieurement entre les établissements commerciaux. En outre, le projet comporte des effets positifs tenant à l’amélioration des conditions de choix des consommateurs alsaciens, à un renforcement de l’attractivité de l’appareil commercial de cette région frontalière, aux retombées économiques positives pour le développement local et l’emploi contribuant à la réalisation des objectifs du schéma directeur du territoire.

Il ne ressort des pièces du dossier ni que le projet serait contraire aux exigences de la protection de l’environnement, ni que l’impact global sur les flux de voitures particulières et de véhicules de livraison et les conditions de la desserte en transports publics ou avec des modes alternatifs, n’auraient pas été pris en compte. Il résulte ainsi du rapprochement de l’ensemble des effets que le  projet est susceptible d’entraîner que la CNEC n’a pas méconnu les objectifs fixés par le législateur.